L’électromyographie (EMG) à travers le temps
Aujourd’hui on peut dire que les kinésithérapeutes ne manquent pas d’outils pour valider et améliorer leur pratique. Pour autant, en comparaison à la rapidité à laquelle les connaissances physiologiques et anatomiques se sont développées, on peut dire que ces dispositifs ont mis le temps pour émerger. Et là on pense à la méthode de l’électromyographie (EMG) qui a mis plus de 200 ans à être commercialisée suite à la découverte de Galvani en 1791… Bon pour leur défense, ils n’avaient pas les mêmes moyens que nous pouvons avoir aujourd’hui en R&D (techniques et financiers).
Vous avez deviné le sujet de ce nouvel article : le pourquoi du comment de cette méthode, qui est désormais un incontournable dans bon nombre de vos rééducations !
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Commençons par le commencement…
Pour bien comprendre la création de cette méthode, nous sommes obligés de parler de la découverte scientifique qui a bouleversé le 17e et 18e siècle : les muscles généreraient de l’électricité ! Vous y croyez vous ? Et bien eux non… Quand en 1666, le savant italien Francesco Redi et son disciple Stefano Lorenzini découvrent que le muscle d’une anguille semble générer de l’électricité, les autres intellectuels de l’époque estiment qu’il s’agit « d’entités mystérieuses commandées par le cerveau qui circuleraient dans les nerfs » et qui provoqueraient ainsi des contractions musculaires. Cette relation entre l’électricité et la biologie sera un grand sujet de débat.
Ce n’est qu’un siècle plus tard, grâce aux travaux de l’italien Luigi Galvani, que les débats vont commencer à converger.
Pour ses expérimentations, Luigi va se munir d’une machine électrostatique et d’une bouteille de Leyde (tout ce qu’il y a de plus normal), et va réaliser des essais sur la stimulation électrique des muscles. En 1786, ses expérimentations vont porter leurs fruits et vont l’amener à faire une découverte qui va changer la science. Il sera témoin de la contraction d’un muscle d’une grenouille, provoquée par l’entrée en contact d’un scalpel chargé d’électricité avec les nerfs cruraux internes de cette grenouille. Pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’une coïncidence, il va réitérer l’expérience avec le scalpel, un crochet en cuivre puis avec un fil de fer. C’est en 1791 que notre médecin et physicien italien va confirmer et annoncer ses recherches dans l’article De Viribus Electricitatis in Motu Musculari Commentarius (Commentaire sur les forces électriques dans le mouvement musculaire). Est-ce qu’on ne pourrait pas dire qu’il est à l’origine du concept du courant électrique animal ?
Et bien oui… et non. Après la découverte de Luigi, les neurophysiologistes étaient divisés concernant la signification de ces contractions musculaires : d’un côté nous avions notre ami Luigi que nous venons d’évoquer, et de l’autre nous avions les partisans d’Alessandro Volta. Ils estimaient que ces contractions étaient en fait un artefact d’électricité généré par le contact du métal avec le tissu organique. Un débat qui a été tranché par l’allemand Emil du Bois-Reymond, qui a reconnu la valeur des deux positions. Il est celui qui a démontré la nature électrique des signaux nerveux et qui a créé la discipline de l’électrophysiologie en 1843 (oui il ne faut pas être pressé en recherche…). Avec du recul et des années de recherches supplémentaires, les scientifiques ont également admis que les deux parties avaient raison. Galvani avait raison de penser qu’il s’agissait de stimuli électriques. En revanche, il avait tort de nommer ce phénomène ”électricité animale”. Et dans le cas de Volta, bien qu’il soupçonnait (à raison) l’existence d’électricité, il pensa à tort que seul deux métaux différents pouvaient provoquer un tel effet.
Maintenant que la stimulation électrique est un concept établi, la recherche peut aller encore plus loin. Et c’est toujours notre allemand qui va permettre à la science de faire un bond en avant, en concevant un galvanomètre particulièrement sensible pour ses expérimentations. Elles vont le mener tout droit à une nouvelle découverte : la possibilité d’enregistrer l’activité électrique lors de la contraction volontaire d’un muscle. Une découverte qui va devenir concrète en 1890 grâce à Etienne-Jules Marey, un médecin et physiologiste…français ! Pionnier de la chronophotographie, il va réaliser le premier enregistrement de l’activité musculaire, et va par la suite introduire le terme électromyographie.
La naissance du tout premier EMG
Nous sommes désormais en 1922, quand Herbert Spencer Gasser et Joseph Erlanger (deux américains) décident d’utiliser un oscilloscope pour montrer les signaux électriques des muscles. Bien qu’il s’agissait là d’un grand pas pour l’évolution de l’EMG, la nature stochastique du signal myoélectrique n’a pas pu permettre de faire une distinction des signaux claire et précise. Seules des informations approximatives ont pu être obtenues. Mais c’est mieux que rien non? D’autant que nous n’avons pas eu à attendre 100 ans pour améliorer cette capacité de détection des signaux électriques. Cette méthode s’est perfectionnée progressivement des années 30 aux années 50, suite aux différents travaux de médecins, physiciens… On pense ici à Adrian (juste Adrian) qui en 1926, a créé une technique dédiée à l’enregistrement d’une seule unité motrice en connectant une aiguille concentrique à un amplificateur et à un haut-parleur. Cette période a vraiment poussé les chercheurs à utiliser des électrodes améliorées, optimisées, pour l’étude des muscles.
Et selon vous, quel événement de cette période a pu marquer l’EMG et l’utilisation que nous pouvons en faire aujourd’hui ? Si je vous dis Vladimir Poutine vous pensez à…
Et oui, quoi de mieux qu’une bonne guerre pour faire évoluer la science et la médecine. Nos chercheurs ont profité de cette occasion pour mettre à profit leur nouvel appareil de mesure, en étudiant de nombreux patients souffrant de lésions nerveuses. Des médecins et chercheurs ont ainsi eu l’idée de mesurer le potentiel d’activation musculaire des nerfs sains et nerfs blessés auprès des victimes de guerre. Le pendant et surtout l’après de cette Seconde Guerre mondiale ont réellement pu contribuer à des avancées scientifiques et techniques très importantes. C’est sûrement ce qui a pu amener la commercialisation du tout premier système d’EMG en 1950.
L’électromyographie au fil des années
L’EMG comme on le connaît aujourd’hui est facile d’utilisation, plutôt rapide à mettre en place, et surtout, les données enregistrées sont traitées et peuvent parfois être analysées par le dispositif lui-même. Incroyable non ? Si pour vous cela semble normal, pensez au médecin, physiciens de 1950 qui ne possédaient que des EMG analogiques. Les analyses ne se faisaient alors que manuellement, sur film ou sur papier.
Les plus expérimentés d’entre vous (pour ne pas dire les plus âgés) ont peut-être connu ça… Tout ça pour dire que de 1950 à 1973 régnait l’ère des systèmes analogiques. Et entre-temps, dans les années 60, l’utilisation clinique de ces EMG débutait pour le traitement de pathologies spécifiques.
Plus récemment, de 1973 à 1982 apparaissent les premiers systèmes d’EMG numériques modulaires. Bien que plus modernes, ceux-ci se réalisent toujours sur papier. Ce n’est que de 1982 à 1993 que de nouvelles méthodes d’analyses et des fonctions de rapport élémentaires ont été implémentées dans ces appareils. Ainsi, à partir de 1993 les ordinateurs personnels commencent à être utilisés dans les systèmes d’électromyographie. Du matériel plus standard sera donc utilisé pour pouvoir enregistrer et analyser ces données.
Aujourd’hui, l’électromyographie est la seule technique reconnue qui permet d’enregistrer l’activité électrique musculaire de façon non-invasive. Blueback a poussé cette technique encore plus loin en créant la Deep EMG® qui est aujourd’hui la seule méthode permettant de quantifier la capacité de contraction du muscle transverse. Une méthode qui utilise et réinvente l’électromyographie de surface que vous connaissez tous, et dont vous venez d’apprendre l’histoire.
Ce sont toutes ces recherches et expérimentations menées ces derniers siècles qui nous permettent de proposer cette technologie et qui nous encouragent à prendre la relève et à faire évoluer la clinique.