L’Incontinence Urinaire d’Effort chez les Sportives de Haut Niveau : Un Tabou à Lever
L’incontinence urinaire d’effort, souvent minimisée et taboue, touche un nombre significatif de sportives de haut niveau. De quoi s’agit-il exactement? Une fuite involontaire d’urine qui intervient sur un effort, typiquement une toux, un mouvement brusque ou encore un effort de type sportif qui va augmenter la pression intra-abdominale. Ce phénomène est aujourd’hui très répandu, encore tabou mais de plus en plus abordé, en particulier dans le milieu sportif.
La face cachée du sport de haut niveau
Les sportives de haut niveau sont souvent perçues comme des modèles de force, de détermination et de maîtrise de soi. Cependant, derrière cette image idéalisée se cache une réalité méconnue et stigmatisée : l’incontinence urinaire d’effort. Un problème de santé qui touche 50% des athlètes (l’incontinence urinaire d’effort chez les sportives de haut niveau), mais qui reste largement sous-discuté.
Depuis plusieurs années, des équipes cherchent à quantifier cet effet à travers des études basées sur des questionnaires complétés par de nombreuses sportives, dans des sports tels que la gymnastique, le trampoline, le basket-ball ou encore le tennis. Et le phénomène est malheureusement très fréquent, même chez les jeunes sportives. Dans l’étude d’Eliassen et al de 2022, ou 35 pratiquantes élite de trampoline ont été interrogées, toutes les jeunes filles de plus de 15 ans rapportaient des fuites urinaires à l’effort.
Outre les facteurs de risques bien connus (IMC, âge et grossesses), plusieurs facteurs d’IUE plus spécifiques à la pratique sportive ont été mis en évidence :
- L’intensité : il existe une forte corrélation entre la prévalence de l’incontinence urinaire d’effort et le niveau de pratique. La pratique d’un sport en compétition est un facteur de risque plus important de fuite urinaire à l’effort que la pratique amateur. De plus, les fuites seront plus fréquentes et intenses sur la pratique d’exercices répétés et intenses comparés aux efforts d’endurance.
- Le type de pratique : les activités physiques à fort impact telles que la course à pied, le trampoline, les sports collectifs, la gymnastique, le tennis, etc. sont plus à risque d’incontinence urinaire d’effort.
- Les troubles du comportement alimentaire : il existerait un lien entre les troubles du comportement alimentaire chez la sportive et les fuites urinaires d’effort, s’expliquant par un défaut d’imprégnation hormonale du plancher pelvien qui serait alors moins tonique
Des conséquences sur la performance et la santé mentale
L’incontinence urinaire d’effort peut avoir des répercussions physiques et psychologiques dévastatrices sur les sportives. En plus des problèmes évidents de gêne et de perte de confiance en soi, cette condition peut affecter leur concentration et leurs performances, en allant jusqu’à les faire abandonner la pratique du sport.
L’aspect psychologique a souvent été négligé dans la discussion sur l’incontinence urinaire d’effort par le passé. Les sportives sont confrontées à la pression de performer à leur meilleur niveau tout en gérant des problèmes de santé parfois embarrassants. Le risque de développer des problèmes d’estime de soi et d’anxiété est cependant une réalité qui ne doit pas être minimisée.
Malgré tout, ce phénomène fait l’objet de campagnes de sensibilisation de plus en plus nombreuses, portées par de nombreux instituts, certaines fédérations sportives, certains clubs et sportives de haut niveau qui portent le combat pour améliorer les choses.
La route est encore longue car un sondage récent montre que 80% des femmes jugent qu’il est difficile d’en parler à leur entourage, et un tiers qu’il est difficile d’en parler à son médecin. Elles sont néanmoins nombreuses à connaître le lien entre sport et incontinence urinaire et la possibilité de réaliser une rééducation périnéale.
Quelle prise en charge?
L’incontinence urinaire d’effort peut être gérée à la fois en prévention, et en thérapeutique. La prise en charge est basée sur la rééducation périnéale, le renforcement abdominal et le travail de la statique lombo-pelvienne.
L’objectif global est de rétablir une bonne maîtrise des hyperpression de la cavité abdominale (le caisson abdominal) entre et pendant les efforts, afin de retrouver un réflexe de verrouillage à l’effort pendant l’activité physique.
Les techniques de rééducation sont basée sur la prise de conscience de cette musculature globalement profonde: périnée et muscle transverse. Elle se fait dans un premier temps de façon manuelle via un toucher vaginal pour comprendre les « mauvaises habitudes » et « conscientiser » la patiente. Le biofeedback permet ici d’accélérer la prise de conscience et l’efficacité de l’apprentissage, qu’il soit sur le périnée à travers l’utilisation de sonde ou externe pour la prise de conscience du transverse (Blueback Physio ou échographie).
Les efforts de l’INSEP pour briser le silence
L’article du Parisien paru en décembre dernier (« C’est devenu un motif de consultation » : l’Insep veut lever le tabou sur l’incontinence urinaire d’effort) indique que l’INSEP s’est penché sur la question de l’incontinence urinaire d’effort, reconnaissant que cela est devenu un motif de consultation de plus en plus fréquent parmi les sportives de haut niveau. Cette institution, qui joue un rôle central dans la formation et le suivi des athlètes en France, travaille à lever le tabou entourant cette problématique.
Conscient de son importance face à ce problème, L’INSEP a mis en place des initiatives visant à sensibiliser les sportives, les entraîneurs et les professionnels de santé. Des séances d’information et des ateliers sont organisés pour aborder ouvertement cette problématique et encourager les athlètes à chercher de l’aide. Des vidéos pédagogiques sont mises à disposition sous forme de QR code dans les salles du bâtiment médical, afin d’illustrer les mouvements des différentes structures du plancher pelvien et des abdominaux pendant les efforts sportifs. Des exercices de renforcement et d’entraînement y sont également proposés. Ces vidéos sont le fruit d’un travail coordonné en particulier par Carole MAITRE, gynécologue et médecin du sport à l’INSEP.
Par exemple, dans le cas de l’athlétisme et la course à pieds, cette vidéo permet de comprendre l’anatomie et les contraintes subies par le caisson abdominal pendant chaque phase de la course. Cette animation permet de mettre en lumière l’importance fondamentale de la coordination entre les muscles profonds (plancher pelvien et transverse abdominal) et les muscles superficiels (grands droits). La sportive peut ainsi visualiser aisément l’importance de la co-activation anticipatrice des muscles du plancher pelvien et du transverse abdominal pour limiter les fuites urinaires pendant l’effort.
👉 Vidéo de l’INSEP décrivant l’exemple de la course à pied 🏃♀️
Les professionnels de santé travaillant avec les sportives sont formés pour reconnaître les signes d’incontinence urinaire d’effort et offrir un soutien adapté. L’objectif est de créer un environnement où les sportives se sentent à l’aise pour discuter de leurs problèmes de santé, sans crainte de jugement. Un point positif pour l’avenir du sport féminin !
La nécessité d’une sensibilisation accrue
Bien que l’INSEP fasse des progrès significatifs pour briser le tabou, il est essentiel que la sensibilisation autour de l’incontinence urinaire d’effort s’étende à l’ensemble de la communauté sportive. Les fédérations sportives, les clubs et les organisations gouvernementales doivent également jouer un rôle actif dans la promotion de la compréhension et de l’empathie envers cette réalité.
La sensibilisation du grand public est tout aussi cruciale pour changer les perceptions autour de l’incontinence urinaire d’effort. Les médias, en particulier, peuvent contribuer à démystifier cette condition en offrant une couverture équilibrée et éclairée, mettant en avant les témoignages de sportives qui luttent contre ce problème.
Nos Sources:
La lettre du gynécologue – Carole MAITRE. https://insep.hal.science/hal-02063639/document
Articles scientifiques sur les études de quantification des IUE chez les sportives:
- Nygaard JE, Thompson FL, Svengalis SL, Albrigh JP. Urinary incontinence in elite nulliparous athletes. Obstet Gynecol 1994;84:183-7.
- Thyssens HH, Clevin L, Olesen S, Lose F. Urinary incontinence in elite female athletes and dancers. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 2002;13(1):15-7.
- Bo K, Borgen JS. Prevalence of stress and urge urinary incontinence in elite athletes and controls. Med Sci Sports Exerc 2001;33 (11):1797-802.
- Eliasson K, Larsson T, Mattsson. Prevalence of stress incontinence in nulliparous elite trampolinists. Scand J Med Sci Sports 2002;12: 106-10.
- Caylet N, Fabbro Peray P, Mares P, Dauzat M, Prat-Pradal D, Corcos J. Prevalence and occurrence of stress urinary incontinence in elite women athletes. Can J Urol 2006; 13(4):3174-9.
- Salvatore S, Serati M, Laterza R. The impact of urinary stress incontinence in young and middle age women practicing recreational sports activity: an epidemiological study. Br J Sports Med 2009;43: 1115-8
Article du parisien:
Site “la medecine du post.com”: